Émergence du « biorelationnel »

Émergence du « biorelationnel »

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Comment une pratique artistique, notamment de l’installation, peut-elle favoriser l’émergence de nouveaux modes de relation et de collaboration entre vivants humains et non humains? 

 

Explorations:

Explorations chromatiques:

Comment les levures et les bactéries s’adapteraient-elles si j’ajoutais de nouveaux éléments à leur écosystème?

Explorations:

En choisissant de collaborer avec ces microorganismes qui possèdent leurs propres règles d’auto-organisation, ce qui leur donne une certaine liberté de création, j’accepte de me retrouver dans un rapport de co-création où l’émergence d’effets imprévus est possible, et même souhaitable.

Explorations avec une caméra Raspberri pi pour voir ce qui ne m’était impossible de voir.

PROCESSUS

Explorations sur les matériaux qui composent les récipients des écosystèmes et leurs interférances sur le processus de développement du biofilm.  

PROCESSUS

Mon processus est très exploratoire et expérimental. Je prépare le milieu de culture, j’inocule, j’attends, j’observe, j’interviens ou pas, je teste, je documente, j’analyse, je recommence. Mes explorations se développent par des allers-retours avec mes microcollaborateurs. Je les guide vers une proposition, ils me dirigent vers une autre. Pour moi, il y a dans cette relation une certaine forme de communication.

Cette recherche, tente d’interroger notre rapport à l’Autre vivant plus qu’humain en élargissant la conception de l’art relationnel au-delà du champ social pour penser la relation en termes d’expérience sensible. Elle cherche à découvrir, voire inventer une pratique que j’appelle « biorelationnelle » pour penser un engagement vers de nouveaux modes de collaboration et d’échanges multi-espèces.

 

Pour ce faire, j’apprivoise depuis quelques années les possibilités artistiques du biofilm de levures et de bactéries.

 

Cette recherche, tente d’interroger notre rapport à l’Autre vivant plus qu’humain en élargissant la conception de l’art relationnel au-delà du champ social pour penser la relation en termes d’expérience sensible. Elle cherche à découvrir, voire inventer une pratique que j’appelle « biorelationnelle » pour penser un engagement vers de nouveaux modes de collaboration et d’échanges multi-espèces.

 

Pour ce faire, j’apprivoise depuis quelques années les possibilités artistiques du biofilm de levures et de bactéries.

 

Tests avec différents ingrédients tels que la spiruline, le jus de betterave, la teinture indigo et le curcuma (qui, fait intéressant, a des propriétés antibactériennes).

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Ces explorations ont marqué un virage important dans mes recherches et dans ma pratique. Avant cette étape, j’étais davantage dans la représentation de la matérialité. J’étais attaché au biofilm qui venait matérialiser la présence de ces entités invisibles. Au début, je créais avec les celluloses que je faisais sécher pour ensuite les transformer.

 

Mais pourquoi travailler la matière morte si on veut parler du vivant?

 

C’est à ce moment que je me suis mise à m’intéresser non seulement à la cellulose, mais aussi à ses micro-créateurs et à tout leur écosystème! Je me suis alors mise à réfléchir aux rôles de chaque élément, qui permet la composition de ces écosystèmes, incluant le mien. Callon et Latour parlent d’actant pour définir ces entités, qui peuvent être représentées par l’humain, mais aussi par tout le non-humain, que l’on parle de vivant, d’objet, de force et même de discours… Selon eux, un actant est capable d’agir sur son milieu, d’influencer le cours des choses, de faire une différence. Ici, les actants sont bien sûr les microorganismes, mais également le sucre et les autres composés du bouillon de culture, le processus de fermentation, le récipient, la température ambiante, moi, etc. Tous ces éléments sont en relation les uns aux autres pour que le processus de création s’opère. C’est donc là que le concept de collaboration vient prendre tout son sens et devient un point d’ancrage de ma recherche.

Ces explorations ont marqué un virage important dans mes recherches et dans ma pratique. Avant cette étape, j’étais davantage dans la représentation de la matérialité. J’étais attaché au biofilm qui venait matérialiser la présence de ces entités invisibles. Au début, je créais avec les celluloses que je faisais sécher pour ensuite les transformer.

 

Mais pourquoi travailler la matière morte si on veut parler du vivant?

 

C’est à ce moment que je me suis mise à m’intéresser non seulement à la cellulose, mais aussi à ses micro-créateurs et à tout leur écosystème! Je me suis alors mise à réfléchir aux rôles de chaque élément, qui permet la composition de ces écosystèmes, incluant le mien. Callon et Latour parlent d’actant pour définir ces entités, qui peuvent être représentées par l’humain, mais aussi par tout le non-humain, que l’on parle de vivant, d’objet, de force et même de discours… Selon eux, un actant est capable d’agir sur son milieu, d’influencer le cours des choses, de faire une différence. Ici, les actants sont bien sûr les microorganismes, mais également le sucre et les autres composés du bouillon de culture, le processus de fermentation, le récipient, la température ambiante, moi, etc. Tous ces éléments sont en relation les uns aux autres pour que le processus de création s’opère. C’est donc là que le concept de collaboration vient prendre tout son sens et devient un point d’ancrage de ma recherche.

Plus loin dans sa conférence, elle explique comment ces minuscules organismes arrivent à avoir un pouvoir sur de gros organismes comme nous. On apprend en fait qu’ils sont fondamentalement sociaux! Chaque bactérie projette des molécules pour signaler leur présence et pour communiquer des messages. Mais c’est en reconnaissant les molécules des autres qu’elles peuvent savoir à quel moment elles sont rendues assez nombreuses, et c’est quand elles atteignent ce quorum qu’elles peuvent arrimer leur comportement et agir en groupe.  

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Mon émerveillement trouve aussi des échos dans le travail de recherche de Bonnie Bassler.

Bonnie Bassler, est une biologiste moléculaire américaine qui a mené des recherches sur la communication chimique entre les bactéries. C’est en pensant au mode de collaboration entre ces êtres microscopiques que j’ai découvert son travail. Elle est reconnue pour sa découverte scientifique du Quorum Sensing (la détection du Quorum) qui est le nom donné au mode de communication des bactéries.

Mon émerveillement trouve aussi des échos dans le travail de recherche de Bonnie Bassler.

Bonnie Bassler, est une biologiste moléculaire américaine qui a mené des recherches sur la communication chimique entre les bactéries. C’est en pensant au mode de collaboration entre ces êtres microscopiques que j’ai découvert son travail. Elle est reconnue pour sa découverte scientifique du Quorum Sensing (la détection du Quorum) qui est le nom donné au mode de communication des bactéries.

les levures et les bactéries, quand elles sont dans les bonnes conditions, participent à la création d’un biofilm, qui est une matière qui se forme par fermentation et qui agit comme écran protecteur de son écosystème.

Bassler, B. (2017, 13 février). Quorum sensing: Bacteria talks. TED Archive. YouTube  https://www.youtube.com/watch?v=q2nWNZ-gixI&t=37s&ab_channel=TEDArchive

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Ma découverte de Bonnie Bassler m’a amené à me poser de nouvelles questions!

Et si on ajoutait au milieu de culture, de nouveaux acteurs qui cette fois ne seraient pas des ingrédients! Comme par exemple de nouvelles bactéries qui proviendraient d’un milieu totalement différent!

Est-ce qu’elles s’intègreraient à ces écosystèmes? Les levures seraient-elles trop en minorité pour que s’opère la création du biofilm? Est-ce qu’une collaboration serait toujours possible?


Et si ces nouvelles bactéries provenaient des participant.es?!

Pour penser la collaboration, je me suis d’abord penchée sur celle déjà existante dans cet écosystème symbiotique. J’ai ensuite cherché à voir comment m’insérer dans cette collaboration. Je m’efforce d’éviter tout rapport de domination ou d’exploitation pour favoriser une relation qui, dans une certaine mesure, peut s’apparenter à une forme de symbiose. Dans un troisième temps, je souhaite inclure la collaboration des participant.es humain.

Ma découverte de Bonnie Bassler m’a amené à me poser de nouvelles questions!

Et si on ajoutait au milieu de culture, de nouveaux acteurs qui cette fois ne seraient pas des ingrédients! Comme par exemple de nouvelles bactéries qui proviendraient d’un milieu totalement différent!

Est-ce qu’elles s’intègreraient à ces écosystèmes? Les levures seraient-elles trop en minorité pour que s’opère la création du biofilm? Est-ce qu’une collaboration serait toujours possible?


Et si ces nouvelles bactéries provenaient des participant.es?!

COLLABORATION

Je ne pense pas la collaboration en terme humain, où l’on conclut une entente avec consentement des deux partis dans le but de travailler sur un projet commun. Je la perçois plus comme un engagement vers des échanges multi-espèces. Dans son livre Vivre avec le Trouble, Donna Haraway nous rappelle que :

«… les bestioles humaines et non humaines n’auraient pas pu exister et elles ne pourraient pas subsister sans être continuellement liées les unes aux autres par des pratiques curieuses. Attachées à des passés en cours, elles avancent ensemble dans des présents épais et des futurs encore possibles. Elles vivent avec le trouble dans des fabulations spéculatives (p. 285).»

 

Je pense avec les microorganismes. Et chaque fois que je change ma manière de faire, il y a une nouvelle collaboration. La collaboration est toujours émergente, on ne la crée pas, elle surgit. On ne la contrôle pas, mais on y participer.


Haraway, D. (2016). Vivre avec le trouble. Durham: Duke University Press. 

https://leseditionsdesmondesafaire.net/produit/vivre-avec-le-trouble/?fbclid=IwAR0muewzwyvY2eKLkxNIMhnMXQHCKF1dN1eV8PPd3UfKrYVyf73q8dOd-TQ

 


Je ne pense pas la collaboration en terme humain, où l’on conclut une entente avec consentement des deux partis dans le but de travailler sur un projet commun. Je la perçois plus comme un engagement vers des échanges multi-espèces. Dans son livre Vivre avec le Trouble, Donna Haraway nous rappelle que :

«… les bestioles humaines et non humaines n’auraient pas pu exister et elles ne pourraient pas subsister sans être continuellement liées les unes aux autres par des pratiques curieuses. Attachées à des passés en cours, elles avancent ensemble dans des présents épais et des futurs encore possibles. Elles vivent avec le trouble dans des fabulations spéculatives (p. 285).»

 

Je pense avec les microorganismes. Et chaque fois que je change ma manière de faire, il y a une nouvelle collaboration. La collaboration est toujours émergente, on ne la crée pas, elle surgit. On ne la contrôle pas, mais on y participer.


Haraway, D. (2016). Vivre avec le trouble. Durham: Duke University Press. 

https://leseditionsdesmondesafaire.net/produit/vivre-avec-le-trouble/?fbclid=IwAR0muewzwyvY2eKLkxNIMhnMXQHCKF1dN1eV8PPd3UfKrYVyf73q8dOd-TQ

 


Parmi les levures et les bactéries que l'on peut retrouver dans les symbiotes de souche de kombucha, on retrouve:

COLLABORATION

Les levures transforment le sucre en alcool, ensuite les bactéries transforment l’alcool en acides, l’acidification empêche les autres microorganismes indésirables de se développer. Chacune produit des nutriments qui profitent à l’autre, d’où la relation symbiotique.

Happenning pour kombucha

J’ai alors organisé la première version du Happenning pour kombucha, qui consistait en une dégustation de kombucha (cette fois fournit par Club kombucha). La dégustation se déployait en trois phases :

  • Analyse visuelle  
  • Analyse olfactive
  • Analyse gusto-olfactive ou rétro-olfactive qui consiste à prendre dans la bouche une petite quantité de kombucha et à l’envoyer au fond de la gorge sans avaler, à la mâcher pour imprégner les muqueuses, à aspirer un peu d’air par la bouche pour oxygéner et diviser les saveurs et enfin à recracher le kombucha dans un petit gobelet.

Happenning pour kombucha

Happenning pour bactéries

Les bactéries buccales étaient ensuite ajoutées à un milieu de culture qui était comparé à un milieu témoin pour donner place à ce Happenning pour bactéries.

Happenning pour bactéries

Gluconacetobacter (bactéries)

Photo récupérée de https://pixels.com/featured/2-acetobacter-aceti-bacteria-scimat.html

Gluconacetobacter (bactéries)

Photo récupérée de https://pixels.com/featured/2-acetobacter-aceti-bacteria-scimat.html

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Où se situe ma pratique par rapport à ce mouvement?  Voilà un des sujets discutés avec François-Joseph Lapointe, artiste et professeur au département de sciences biologiques de l’Université de Montréal. J’ai aussi eu le plaisir d’en discuter avec Teva Flaman, qui a fait son doctorat sur les enjeux esthétiques du Bioart.


L’imaginaire du Bioart est assez marqué par les premières pratiques du début des années 2000 où certaines œuvres mémorables et plutôt intimidantes concernaient les modifications génétiques, la culture de tissus vivants ou encore la transformation du corps. Mais vingt ans plus tard, le spectre de ce mouvement a pris de l’expansion avec des pratiques des plus variées. Certains parlent même des bioarts (au pluriel). Ce qui m’intimidait dans ce mouvement c’était la fameuse utilisation des biotechnologies que l’on retrouve dans sa définition. Je l’associais toujours à de grands domaines comme la médecine ou encore la pharmacologie alors que si on regarde du côté agroalimentaire, on peut vite penser à la fermentation!


Donc oui, ma pratique pourrait se retrouver dans le large spectre des bioarts. Mais j’ai personnellement plus de plaisir à m’identifier à ce que j’appelle le biorelationnel parce que pour moi c’est dans l’expérience de la relation avec le vivant que ma pratique trouve son sens. Pour moi, il y a dans notre relation aux microorganismes quelque chose de tout simplement captivant!

Où se situe ma pratique par rapport à ce mouvement?  Voilà un des sujets discutés avec François-Joseph Lapointe, artiste et professeur au département de sciences biologiques de l’Université de Montréal. J’ai aussi eu le plaisir d’en discuter avec Teva Flaman, qui a fait son doctorat sur les enjeux esthétiques du Bioart.


L’imaginaire du Bioart est assez marqué par les premières pratiques du début des années 2000 où certaines œuvres mémorables et plutôt intimidantes concernaient les modifications génétiques, la culture de tissus vivants ou encore la transformation du corps. Mais vingt ans plus tard, le spectre de ce mouvement a pris de l’expansion avec des pratiques des plus variées. Certains parlent même des bioarts (au pluriel). Ce qui m’intimidait dans ce mouvement c’était la fameuse utilisation des biotechnologies que l’on retrouve dans sa définition. Je l’associais toujours à de grands domaines comme la médecine ou encore la pharmacologie alors que si on regarde du côté agroalimentaire, on peut vite penser à la fermentation!


Donc oui, ma pratique pourrait se retrouver dans le large spectre des bioarts. Mais j’ai personnellement plus de plaisir à m’identifier à ce que j’appelle le biorelationnel parce que pour moi c’est dans l’expérience de la relation avec le vivant que ma pratique trouve son sens. Pour moi, il y a dans notre relation aux microorganismes quelque chose de tout simplement captivant!

BIOART

BIOART

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Annie Thibault compte parmi les artistes qui ont éveillé mon intérêt artistique pour le vivant.


Artiste multidisciplinaire, son travail s’articule principalement autour de l’installation, mais aussi de la vidéo et du dessin. Depuis 1995, elle travaille entre autres avec le plancton, les bactéries et dans les dernières années, elle s’est principalement intéressée aux méthodes de culture des pleurotes qu’elle présente dans des installations immersives.

Annie Thibault compte parmi les artistes qui ont éveillé mon intérêt artistique pour le vivant.


Artiste multidisciplinaire, son travail s’articule principalement autour de l’installation, mais aussi de la vidéo et du dessin. Depuis 1995, elle travaille entre autres avec le plancton, les bactéries et dans les dernières années, elle s’est principalement intéressée aux méthodes de culture des pleurotes qu’elle présente dans des installations immersives.

Photo : Félix Michaud

La Chambre des cultures, déviance et survivance – Forêt et candélabre

2018, Œuvre in situ en progression constante. 200 sacs de mycélium de pleurotes, cerceaux en acier, métal, plastique, humidificateurs et éclairage LED.Dimensions variables.

Présenté à l'atelier Silex, dans le cadre d e la 8e biennale nationale de sculpture contemporaine de Trois-Rivières.