Ma pratique artistique propose des pièces qui amènent au questionnement de l’image, sa construction et déconstruction à travers la structure spatiale qui la contient pour évoquer l’évolution de la conception de l’abstrait dans mon travail. Je suis un artiste émergeant qui s’intéresse à la production d’images en deux et trois dimensions. J’approfondis l’influence de l’illusion visuelle et son hybridité dans la peinture, le dessin, et la sculpture. Mon matériau premier est l’espace.

 

Dans ce contexte, mon projet de peinture et objet est le résultat de l’habitation physique et de l’exploration de la composition de l’image à partir de l’information recoltée du lieu. J’ai investi l’espace architectural durant un temps déterminé pour le transformer en espace pictural et y construire une œuvre éphémère et unique. L’intervention sur l’architecture du lieu a suivi le principe du jeu et de la vision visuelle sous forme d’anamorphose. J’ai choisi aussi d'intervenir dans le champ de l’installation in situ en établissant une relation inédite de la peinture à l'espace. C’est ainsi que des éléments comme les dimensions, la forme et la palette des couleurs du projet font écho à des éléments physiques de l’architecture du lieu. Le bâtiment au 407 Maissoneuve est devenu une sorte d’objet trouvé, de "ready made".

 

Dans un premier volet, mon projet avait proposé une expérimentation formelle au-delà de la limite de la définition du concept du tableau et celle du statut d’objet. Le projet d’un point de vue formel s’était transformé dans un dialogue entre la forme géométrique et l’espace de la composition créée à l’intérieur de la forme. Le tableau a en même temps avait gardé une relation intrinsèque par rapport au support, autrement-dit le bâtiment même.

 

Dans un deuxième volet, l’habitation du lieu durant trois semaines a dévoilé ma pratique artistique et des liens. J’ai transmis à ma manière ma passion pour l’art et l’espace architectural, créant ainsi une relation singulière entre moi, l’endroit et l’art. Pour certains, il est question d’ouverture d’esprit, de curiosité; pour des autres d’inspiration, de professionnalisation, de développement psychologique ou encore de passation. Cette expérience avec le lieu soulève des nombreuses questions. Une expérience entre contemplation de l’œuvre, réflexion auteur de la notion de transmission par l’habitation physique du lieu et l’expérimentation de la peinture par rapport au support. Ce processus pointe vers la notion de mémoire. Une notion d’importance dans l’œuvre parce que il y a une résonance avec le titre de la pièce présentée. Dans la façon de regarder la pièce, il existe une transmission de l’émotion à travers la touche, le traitement de la peinture et l’expression de mon style en peinture. Encore l’absence de quelque chose et la présence visible de l’image démontre la disparition d’une mémoire habitée par le lieu.

 

À travers cette exposition, le lieu a affecté la création de l’œuvre in-situ et en même temps le lieu a établi une relation entre la forme du tableau et l’architecture comme support. Cette articulation entre peinture et espace comme matériau brut m'a permis d'explorer divers moyens d’approcher l’image du spectateur à travers le jeu visuel et optique. C’est ainsi qu’en faisant basculer ma pièce, la spéculation de l’image avait mis en question les limites de la perception du réel chez le spectateur. Finalement, évoquer le lieu investi à travers la composition et le processus de création expérimental m’avait permis de faire des liens entre l’architecture et l’œuvre éphémère.

 

Jorge Carranza. Composition au 407. 2018. Installation, peinture sur mur, corde et tissu. Dimensions variables.