Pour le présent cours, j'avais comme but initial de faire le plus de tableaux possible afin d'expérimenter et de tester ce qui fonctionne le mieux en lien avec mon sujet de recherche. J'ai été inspirée par le collectif Team Macho pour leurs peintures petit format à la fois ludique et coloré1 ainsi que leur méthode d'accrochage en mosaïque.2 Je me suis ensuite intéressé à l'historique du lieu et à l'agence de voyages Voyages Campus qu'il y avait dans ce local autour de 2014. J'ai par après orienté mes recherches en cherchant des photos de vacances sur internet. Je cherchais, à l'aide de mots-clés hétéroclites orientés vers le voyage, la plage, les vacances, les images qui détonnaient des typiques photos banales de voyage. Ensuite, soit en reproduisant tel quel l'image trouvé, soit en réalisant un collage de 2 images et vers la fin, en peignant sans images sources, j'ai réalisé 13 tableaux sur ce thème. J'ai choisis ce qui était peint en me basant sur deux aspects ; l'image ni réelle, ni fictive, mais plutôt entre les deux et sur une image qui pourra faire sourire ou rire par son côté ludique et insolite.

 

Au cœur de mon sujet de recherche, la dichotomie entre le réel et la fiction a été mon point de départ pour la réalisation de mes tableaux. J'ancre mes peintures dans le réel en y insérant des éléments reconnaissables et auxquels nous sommes confrontés, avec soit 1-2 éléments insolites, soit une dérivation de l'image de base vers l'incongruité. C'est une façon pour moi de représenter la réalité – le nôtre, celui d'autrui, le mien, celui qu'on perçoit d'internet – sous un autre angle, comme s'il était filtré par notre mémoire ou par des lunettes déformantes. Je m'intéresse à la théorie des mondes possibles théorisé par Gottfried Wilhelm Leibniz qui stipule que notre réel n'est qu'un univers possible parmi tant d'autre. La fiction devient donc une réalité possible et sert aussi à éclairer le réel tel qu'on le connaît. « La réalité est ce que nous percevons du réel. Cependant nos facultés de percevoir le réel nous sont propres ; elles sont biaisées par notre histoire, nos croyances et nos ignorances. Nous ne pouvons faire autrement que reconstruire, par le prisme de notre propre analyse, le réel qui nous entoure – et ce afin de construire notre propre réalité. Pourrions-nous imaginer que notre réalité soit un réel possible parmi d’autres ?3 » Je souhaite donc rendre compte du réel, à ma façon et d'une manière un peu candide et humoristique. Car la fiction et l'humour ne sont pas opposés.

 

L'humour a aussi une place importante dans mes tableaux. Je tente de déformer la réalité dans mes tableaux avec une pointe d'humour qui s'insère d'une manière insolite et inattendue. C'est par ce procédé que la fiction prends place dans mes peintures. Je me suis intéressée aux théories du rire, mais plus précisément sur la théorie de l'incongruité développé par Arthur Schopenhauer, philosophe allemand. Cette théorie s'applique lorsque la relation entre l'apparence des choses et un concept ou une situation donné ne donnent pas le résultat qu'on aurait pu imaginer. En d'autres mots, c'est lorsque la réalité et nos attentes ne concordent pas et que l'incongruité émerge soudainement et de façon ludique. « Il faut qu’il y ait, dans tout ce qui doit provoquer un rire vif et éclatant, un élément absurde. [...] Le rire est un affect procédant de la manière dont la tension d’une attente se trouve soudain réduite à néant.4 » Cette théorie coïncide parfaitement avec ce que je tente de créer dans mes tableaux ; soit je change un élément préexistant par un autre complètement farfelu, soit je change un élément en jouant sur un jeu de mot ou sinon j'accentue ce qui est déjà présent dans l'image.


 

Mes images sources, lorsqu'il y en a, sont trouvés sur internet, soit en tapant certains mot-clés, soit par hasard. L'image peinte étant saugrenue et insolite, il est difficile de savoir si elle est issue d'une photo, d'un collage ou de mon imagination. Ultimement, je souhaite déformer la réalité ou plutôt, la vision que nous avons de la réalité en montrant qu'il peut – fictivement ? – y avoir autre chose que ce que l'on perçoit. Par ces transformations, je cherche à montrer une situation ou un concept choisi sous un autre angle, souvent humoristique, jamais politique, dans le but de créer une narrativité nouvelle et imagée. Candidement et la manière d'un enfant, je veux montrer que le monde est malléable et qu'il est bien plus intéressant et amusant lorsqu'on le manipule à notre guise.

 

Bibliographie

1 :Team macho. (2013) Artist’s Conception (The Beringian Crossing) [Peinture]. 14 x 11 po. Acrylique sur bois. Récupéré de http://narwhalcontemporary.com/available-artwork/team-macho/

 

2 : Team macho. (2013). Le Projet Peinture [Photographie]. Récupéré de http://esse.ca/fr/compte-rendu/80/Montr%C3%A9al-4

 

3 : Boisard, J. (2012). Jeff Wall : « faux réels » ?. Sociétés & Représentations. (n°33).

 

4 : Kant, E. (1989).Critique de la faculté de juger, trad. J.-R. Ladmiral, M. de Launay, J.-M. Vaysse, Paris : Folio-Gallimard.

1. Bain de mi-nuit, 12cm x 12cm, acrylique sur bois, 2018

2. Pipiscine, 17cm x 12,2cm, acrylique sur bois, 2018

3. Surf 4 life, 20cm x 15cm, acrylique sur bois, 2018

4. Louis le Dauphin sent le hareng, 25cm x 25cm acrylique sur bois, 2018

5. Pédalo hot dog, 17,2cm x 12,4cm, acrylique sur bois, 2018

6. Les bébés-cuisses de poulet rejoignent la mer, 22,6cm x 30cm, acrylique sur bois, 2018

7. #Piedd'athlète, 15cm x 20cm, acrylique sur bois, 2018

8. J'bronze jamais, 14,8cm x 14,8cm, acrylique sur bois, 2018

9. 7/8 bikini body, 30cm x 40,2cm, acrylique sur bois, 2018

10. 4e degré, 10cm x 10cm, acrylique sur bois, 2018

11. La forêt des beignes, 27,6cm x 35,2cm, acrylique sur bois, 2018

12. Mauvais tournant, 30,1cm x 22,6cm, acrylique sur bois, 2018

13. Bisous bisous, 22,6cm x 17,4cm, acrylique sur bois, 2018