Ecorchées

ÉCORCHÉES

Depuis plusieurs années, l’élément banal – ordinaire – de la photographie publicitaire de viande crue est le sujet principal de ma recherche plastique en atelier et de ma recherche théorique de mes études, du Master et, maintenant, doctorales. Je mène et je développe cette recherche dans le cadre de ma série, « Daily Bread : Raw Meat » (mon pain quotidien : viande crue). Ce travail spécifique s’articule autour du « cru-ôté » d’un corps féminin et érotique. Je définis comme tel la « matière première » de ces corps, car je les construis, je les compose, exclusivement à partir de collage d’images publicitaires de viande crue que je découpe des prospectus de supermarché qui arrivent dans ma boîte aux lettres chaque semaine. Pour replacer ce travail, il fait partie du « Daily Bread », la série-mère, dans laquelle je me sers du papier d’emballage de mon pain quotidien comme support ; commencée en 2001, elle compte 250 œuvres aujourd’hui.
Le langage plastique du « Daily Bread » comprend le collage de divers éléments pris du quotidien qui sont réinterprétés, détournés, comme peuvent l’être les motifs du papier. Dans ce sens, les images publicitaires que nous recevons tous en abondance, ont fait naturellement leur entrée dans la série depuis son début. Je me suis servie d’aliments tels les courgettes, les tomates, les pommes de terre… Puis un jour, mon regard sur celles de la viande a changé, a basculé – en représentant une figure comme tranchée, une autre comme morcelée… cet élément s’est révélé à moi dans toute sa cruauté ; j’ai vu les possibilités, les capacités, de son expression figurative – comme un moyen « cru » pour parler de la figure, ce qui manquait jusqu’alors dans ce travail sériel.
Depuis le début de ma recherche théorique (mes études), j’ai toujours lié et ai toujours trouvé des similitudes entre les figures de ma série et les figures des planches anatomiques, dites les « écorchés ». Pour moi, l’écorché des planches anatomiques est l’image ascendante du passé le plus lointain du « Raw Meat ». Leurs qualités picturales communes sont celles du « mort-vivant », de mise en scène, et du dévoilement du corps ; elles partagent la notion d’une « transgression » vis-à-vis de la figure.
Le rapport entre le « Raw Meat » et les écorchées (les notions susnommées) semble se nouer davantage à travers l’évolution de la série ; ce qui s’illustre par un regard chronologique des œuvres elles-mêmes. Systématiquement, mon travail plastique a débouché sur de nouvelles pratiques. Dan mes premiers travaux dans lesquelles les parties de corps sont représentées par un seul morceau de viande crue, je suis passée progressivement à des représentations de corps grandeur nature par l’accumulation de centaines, voire de milliers, de « morceaux ». Ma pratique spécifique est devenue ainsi une méthode d’accumulation arcimboldesque de « morceaux » qui s’est amplifiée dans la réalisation de figures de plus en plus grandes. J’étais amenée à « surdimensionner » mes figures. La série « Raw Meat » a mise en lumière, a introduit, deux « pratiques » dans mon travail, voire deux enjeux de mon collage. Le premier est l’enjeu de la plausibilité de la figure. J’emprunte ce terme de Werner Spies qui parle spécifiquement du collage de Max Ernst pour qui « il ne s’agit jamais d’accentuation de la rupture, il s’agit toujours de plausibilité, de créer une image plausible. […] On peut même dire que pour lui, le collage réussi est celui qui fait oublier l’intention du collage. »[1] La deuxième pratique est la réintroduction d’une « observation figurative-anatomiste » : dans le travail que je réalise d’après l’image préexistante (telles les pin-ups des années 50s), d’après le modèle réel (moi-même), et d’après la photo du modèle réel (telles les deux Nathalies). Il y a longtemps, aux beaux-arts (aux Etats-Unis), j’ai bénéficié d’une formation rigoureusement académique vis-à-vis de la figure et de l’anatomie. Par la suite, j’ai délaissé ce genre de travail figuratif pendant plus de vingt ans – avant d’y revenir pour la première fois avec la réalisation d’après nature et par collage de viande-crue-publicitaire de mon autoportrait. Pour les œuvres dont je me sers de la « matrice » d’une image préexistante, c’est également la première fois dans mon travail artistique que je « copie » ainsi (me réappropriant, détournant, l’image) ce qui me rappelle une pratique enfantine chérie. J’estime que toutes ces réalisations figuratives me sont rendues possibles grâce à la formation rigoureusement académique de la figure, de l’anatomie, et du dessin que j’ai reçu, car c’est clairement cette formation-là dont je me sers dans leur réalisation.
Revenons à la pratique anatomiste. La découverte du corps et sa représentation par les artistes est une histoire fascinante qui implique la médecine (l’anatomie), l’art, et la religion. La pratique anatomiste a été considérée comme une transgression et a été controversée depuis son début. Dévoiler le mystère de l’intérieur du corps, rompre son opacité, et affronter la Mort, selon Magali Vene dans son ouvrage, Ecorchés – L’exploration du corps XIV – XVIIIe siècle, étaient des raisons qui par-dessus de tout controversaient la pratique anatomiste. Ce lien avec la Mort troublait et effrayait. Du XVe au XVIIIe siècle, selon Vene, les écorchés, témoins de cette pratique, transmettaient et illustraient de manière fascinante ce trouble et ce malaise persistant.[2]
La période de « véritable frénésie de découverte » pour l’anatomie a lieu au début du XVIe siècle lorsque la religion se résout à, se convaincre de, son bien-fondé, en se justifiant du devoir de l’homme de connaître au mieux la Nature, de découvrir la vérité divine dans toutes choses, le savoir prend donc un caractère rédempteur.[3] A l’encontre du Moyen Âge, époque qui privilégiait un discours philosophique du corps.[4] Danielle Seilhean dans son entrée « Autopsie » du Dictionnaire du corps décrit cette période comme léthargique où « la spéculation théologique était plus en vogue que l’observation de la nature ».[5] C’est au cours du XIIIe siècle, pour l’enseignement de la médecine, qui s’ouvrit timidement l’ère des dissections , une pratique rare et strictement réglée par l’Eglise.[6] Les artistes quant à eux n’ont pas attendu d’avoir le droit de pratiquer les dissections[7], car, malgré l’interdiction formelle des autorités, ils ont commencé à en pratiquer en Italie au XVe siècle.[8] Danielle Seilhean explique comment Léonard de Vinci était « très conscient de l’importance de l’outil de traduction que lui fournissait son art pour déchiffrer la confusion de la nature ». Dans son Quaderni d’Anatomia il parle de « l’enchevêtrement des membranes avec les veines, artères, tendons, muscles, os et le sang qui teinte tout de la même couleur ».[9] Le discours philosophique autour du corps cédait à une observation directe de la nature, et « l’esprit d’observation scientifique se déploie en même temps que les arts. »[10] Le regard changeait : désormais il scrutait, interrogeait.[11] Le médecin et anatomiste, André Vésale fait naître un nouveau type de leçon d’anatomie par l’observation directe qui sera ensuite rédigé en mots, et non pas le contraire. Désormais au XVIe siècle, le savoir anatomique passe obligatoirement par le regard et l’image.[12] Ces nouveaux paramètres de recherche sont synthétisés par André Vésale dans son ouvrage monumental, son traité d’anatomie humaine, connu sous le nom de la Fabrica.[13] L’ouvrage connut un grand succès, pour sa précision inégalée et pour la beauté et la grande qualité et de ses écorchés.[14] Seilhean cite « L’écorché de Vésale est son propre démonstrateur, il est l’homme de la Renaissance, propriétaire de son corps qu’il campe face à un monde maîtrisé. »[15]
Pour Vene, la rencontre autour des tables de dissection des artistes et des anatomistes étaient inévitable ; les premiers avaient besoin de matière à observation et les derniers avaient besoin des compétences des dessinateurs.[16] « Alors que les gestes de l’anatomiste aboutissent forcément à un fouillis de chair, de sang, d’humeurs et d’os (paradoxe d’un savoir qui exige d’abord la destruction d’une forme dont il prétend pourtant affirmer la composition), le rôle de l’artiste est de fournir des images « propres et nettes », […] rendant la dissection intelligible […] au moyen de séries d’images documentant par strates systématiques la pénétration progressive dans les profondeurs du corps. »[17] Karim Ressouni-Demigneux, auteur de l’article, « Cadavres exquis, version hard », en parlant de l’exposition controversée « Our Body », revisite cette relation « art-médecine » d’autrefois : « Il n’est pas indifférent que les recherches furent conjointes, que le devenir académique des arts du dessin soit allé de pair avec un bond en avant de la médecine […]. Au début de XVIe siècle, Léonard de Vinci travaillait avec le médecin Marcantonio della Torre, Michel-Ange avec Realdo Colombo, et leurs croquis n’étaient pas de simples illustrations, mais de véritables recherches qui tentaient de saisir la raison du corps humain. Or cette double quête poursuivait un même objectif, la compréhension, à travers le cadavre, des mécanismes de la vie. »[18]

Ce qui me ramène à la mise en scène « vivante » de l’écorché, de sa qualité de « mort-vivant », et de l’« intégrité » du corps – notions qui, à la fois, partagent pleinement les planches anatomiques avec mes femmes en viande-crue-publicitaire, et qui les différencient. Pourquoi décida-t-on, préféra-t-on, présenter l’écorché sous les auspices d’un être vivant orné de multiples détails réalistes ? Parce que pendant et même après que la pratique anatomiste s’est largement banalisé, le trouble engendré par cette pratique, et par l’écorché comme témoin, au contraire, ne disparaissait pas ; une forte notion de transgression continuait à les entourer. Il y existait donc depuis toujours un besoin de créer ce genre de mise en scène pour faire accepter moralement « le démantèlement nécessaire à l’investigation scientifique […]. »[19] Cette mise en scène était en fait une astuce du dessinateur, c’était le rôle qui revenait pleinement à l’artiste.[20] « Tout se passe comme si l’homme disséqué prenait symboliquement sa revanche dans une iconographie qui ne se résout pas à représenter squelettes et écorchés comme des objets inertes, exposés au regard comme des morceaux de viande sur l’étal d’un boucher. »[21] Les planches anatomiques ont toujours représenté des corps non-intègres, ouverts, exposés ; c’est donc le besoin moral de cette mise en scène qui permettait (au contraire !) d’y reconnaître un corps humain dans son intégralité. Mes femmes, tels les écorchés, expriment l’oxymoron du « mort-vivant ». Mes écorchées mêlent plastiquement à travers la représentation d’une chair à la fois « vivante » et « morte » au gré des interprétations symboliques et métaphoriques : viande morte / chair vivante / viande animale / chair humaine. Le fondement de tout ce qui exprime la surface de ma mise en abyme, se situe au cœur de ce conflit des deux pulsions, « de la vie, de la mort ». Elles sont « érotiques » : parce que la matière morte de viande crue sculpte/incarne une figure féminine dont sa pose et sa posture expriment, au contraire, la vie et exsudent la sexualité. Les postures féminines reconnaissables, car stéréotypées et connotées, mettent en évidence leur caractère « non-cadavérique ». Ma matière première, l’image publicitaire de viande animale crue, détournée par mes soins accentue la vivacité de la figure, de sa chair, et elle la mortifie…

Le style « écorché » : une recette artistique pour troubler et émouvoir ?
L’artiste Hans Bellmer s’y inspirait directement pour dévoiler l’intimité de ses corps. Dans la revue Obliques qu’on lui consacre, on peut lire dans le texte « Déshabillages » : « Face à l’Ecorché de Valverde, qui brandit sa peau […] la femme de l’esquisse […] retrousse sur son corps un indescriptible amas de muscles et de dentelles, tandis que Rose ouverte la nuit […] semble exhiber à l’intention de l’Ecorché de Gautier d’Agoty […] les secrets les plus insoutenables de son anatomie. »[22]
Pour Michel Leiris dans son texte « L’Homme et son intérieur » paru dans la revue Documents, ces images sont parmi les plus émouvantes du corps humain[23], « […] on l’aurait tort d’envisager les planches anatomiques […] d’un point de vue strictement médical, sans se soucier outre mesure de l’extraordinaire beauté dont beaucoup sont empreinte, beauté liée […] au fait que le corps humain s’y trouve révélé dans son mystère le plus intime […]. »[24]
La quasi-totalité de mon travail s’articule autour de l’expression de l’intime. Les notions du « dévoilement » des corps, de leur « ouverture », sont la mise en œuvre de ce thème. Mes femmes « plus nues que nues » me permettent en effet un dévoilement par procuration. Jacques Derrida, en parlant de l’animal autobiographique, réduit le « je » à un stéréotype : « Le « je » c’est n’importe qui, et n’importe qui doit pouvoir dire « je » pour se référer à soi, à sa propre singularité. »[25] Plus loin il revient : « Comme si, parlant de soi, je, moi, le moi parlait d’un autre, en citait un autre, ou comme si je parlais d’un « je » en général, à nu et à cru. »[26]
L’image du « Raw Meat » qui montre un corps morcelé, découvert, comme ôté de sa peau, peut facilement renvoyer à des pratiques anatomistes et au type d’image de l’écorché ; elle peut prendre cette qualité de transgression, et troubler. Le « trouble » en art m’intéresse particulièrement. D’abord, parce que la femme du « Raw Meat » trouble, suscitant à coup sur et à chaque fois une réaction du spectateur. Ensuite, parce que je peux dire avec certitude que je cherche par mon art à (me) troubler. C’est à travers mes études, que je me suis rendue compte de l’importance de cet élément, depuis longtemps présent, même voulu, dans mon processus. Je l’avais développé en relation avec l’intime, en expliquant que mon rapport le plus pur à mon intime se trouve au sein de l’acte créatif, que l’« imagerie » qui naît de ma main m’éveille, me permet de découvrir, et qu’elle me trouble. Ce trouble m’est toujours révélateur d’une limite qui s’est brisée, d’un dévoilement qui a (eu) lieu. Je me suis réapproprié la notion de Georges Bataille que j’ai appelé la « chrysalide brisante »[27], pour parler de ce moment si particulier – comme une déchirure – où je prends conscience de ce qui se matérialise sur le support, lorsque mes images (me) se révèlent, le figuratif se répondant, se chevauchant, avec le « conceptuel ». J’ai qualifié mon processus de « déchirant » parce qu’il ne cherche jamais à imposer une image à l’œuvre mais à être toujours l’incarnation d’une volonté obstinée de découvrir à travers le processus-même.[28]
Le processus qui engendre mes femmes est cruel. Je leur taille dedans, je leur « mutile » la peau (elle est coupée, découpée, déchirée, trouée même…). Elles ne peuvent pas être dissociées de la cruauté de ma pratique ; tout comme l’écorché ne peut être dissocié de la dimension cruelle de la pratique qui l’engendre, dont il témoigne. Dans les mots de Magali Vene, « La plupart de ces « morts-vivants » gardent la trace du geste audacieux de l’anatomiste qui a plongé le couteau dans leur chair. »[29] Selon elle, ce que l’écorché met en évidence, fait retentir, est notre angoisse de la perte de l’intégrité de notre propre corps.[30]

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Mes corps écorchés, dépecés, recomposés, re-membrés, du « Raw Meat » sont bien « intègres ». C’est ici que mes images tranchent avec celles des écorchés. La morphologie de la figure, les contours extérieurs de mes femmes, sont scrupuleusement respectés. J’ai fait cela sciemment dans un souci de « reconnaissance », une notion importante pour la chair stéréotypée du “Raw Meat”, et au regard de la plausibilité de ma figure. De surcroît, je ne m’intéresse pas à défigurer davantage la figure, jeu (de collage) auquel les morceaux de viande crue s’y prêteraient facilement, car à mon sens, celle-ci amènera ou introduira un élément de trivialité à ce travail. L’apparence corporelle de ma figure gardée intacte permet une ambiguïté : est-ce l’intérieur ou l’extérieur du corps qui est représenté ? La peau ou la chair ? Je m’intéresse à son interprétation simultanée et ambiguë, et de pouvoir jouer de cette « confusion ». Pour Didier Anzieu, la peau est à la fois perméable et imperméable.[31] Tout en présentant une surface du corps « continue », mes figures semblent « perméables » à la perception du spectateur.
La notion de “l’intégrité du corps” vis-à-vis de la médecine aujourd’hui me semble intéressante, dans le sens où, aujourd’hui on arrive non seulement à voyager dans le corps (grâce aux Rayons-X à la fin du 19ème siècle ; et, depuis les années 70s, grâce à l’imagerie médicale : scanner, endoscopie, résonance magnétique[32]) mais également, surtout, à y opérer (par le biais de laser) sans l’ouverture de celui-ci - sans toucher à son intégrité désormais intacte. Dans le « Raw Meat », la notion de transgression ne s’y opère que de façon visuelle, elle ne témoigne d’aucune pratique (ne serait-ce que celle de ma propre main). Cela ne veut pas dire que les conséquences en sont moins réelles, telle la réaction ou la censure. Les questions du dévoilement, de l’interdit, et de la censure entourent depuis toujours la représentation de la figure et elles restent d’actualité. Preuve que l’image d’un corps ouvert, dévoilé, continue à choquer, à fasciner, et à controverser notre société contemporaine ? J’ai évoqué auparavant l’article paru à propos de « Our Body », l’exposition qui présente de véritables corps humains écorchés, « plastinés ».[33] Cette exposition fut interdite à Paris par un tribunal de grande instance – malgré la plaidoirie des organisateurs sur l’intérêt pédagogique, scientifique, et artistique que pouvait offrir une telle exposition, malgré l’attirance à l’exposition de plus de 30 millions de visiteurs à travers le monde (l’exposition battait le record d’affluence des visiteurs là où elle se produisait). Le juge a estimé que « Our Body » représentait « une atteinte illicite au corps humain » et que les « découpages » des corps qui sont exposés, […] et « les mises en scène déréalisantes » manquaient de « décence ». »[34]

Le « Raw Meat » propose une figure féminine dans toute sa cruauté, elle est irréfutablement et joyeusement « crue ». Théoriquement, j’ai défini le motif de cette cruauté comme ayant pour but de toucher à ce qu’on peut appeler le « vrai » (une cruauté artaudienne[35]). Cette « vérité », à l’image de mes femmes, à l’image de la Femme, à ma propre image, je la trouve dans le raw meat d’une chair féminine polysémique, équivoque, ambiguë, changeante, permettant une multiplicité de lectures, d’interprétations. L’écorché est certes d’une nature moins polysémique, mais ces planches partagent la même quête du savoir, de la découverte, et d’une « vérité » vis-à-vis de la représentation des corps – même elles y sont les plus emblématiques. A mon sens, notre plus grande similitude est notre recherche commune de « véritables » représentations qui sont menées sur et dans les profondeurs d’une figure, d’une anatomie, résolument humaine. Les écorchés servent à interroger et à dévoiler le véritable fonctionnement de notre corps ; les femmes-viande-crue-publicitaire servent à interroger l’image de la femme, les modalités de sa représentation, et, de toute évidence, à critiquer ceux qui s’en servent pour transformer son image charnelle en marchandise. Enfin, malgré nos fins biens différentes, malgré les centaines d’années qui nous séparent, ces deux genres d’images se rejoignent définitivement dans l’expression univoque de la vérité de notre condition humaine, chacune à sa façon unique.

									Lisa Salamandra 	

Bibliographie

ANZIEU, Didier, Le Moi-peau, Paris, éditions Dunod, Coll. Psychismes, 1985.

BATAILLE, Georges, L’Erotisme, Œuvres complètes X, (Editeur Jean-Jacques Pauvert, 1961, 1971), Paris, éditions Gallimard, Coll. NRF, 1987, pp. 16-270.

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VENE, Magali, Ecorchés, L’exploration du corps XIVe – XVIIIe siècle, Paris, éditions Albin Michel/Bibliothèque national de France, 2001.


  1. Ann Hindry, « Max Ernst : l’œil au bout de la langue, Entretien avec Werner Spies », Artstudio 23, Artstudio, Paris, hiver 1991, p. 34. ↩︎

  2. Magali Vene, Ecorchés, L’exploration du corps XIVe – XVIIIe siècle, Paris, éditions Albin Michel/Bibliothèque national de France, 2001, pp. 5-6. ↩︎

  3. Magali Vene, op. cit. p. 11. ↩︎

  4. Ibid. p. 8. ↩︎

  5. Danielle Seilhean, « Autopsie », in Michela Marzano (dir.), Dictionnaire du Corps, Paris, éditions PUF, Coll. Quadrige, 2007, pp. 89. ↩︎

  6. Magali Vene, op. cit. p. 9. ↩︎

  7. « C’est ainsi que l’observation directe du corps entre dans l’enseignement de la médecine, qui se structure alors au sein des toutes nouvelles universités. Dans celle de Bologne, vers 1270, s’ouvre timidement l’ère des dissections », Magali Vene, Ecorchés, L’exploration du corps XIVe – XVIIIe siècle, Paris, éditions Albin Michel/Bibliothèque national de France, 2001, p. 9. ↩︎

  8. Ibid. p. 15. ↩︎

  9. Danielle Seilhean, op. cit. p. 89. ↩︎

  10. Ibid. ↩︎

  11. Ibid. ; Magali Vene, op. cit. p. 13. ↩︎

  12. Magali Vene, op. cit. pp. 12-13. ↩︎

  13. De humani corporis fabrica libri septem (A propos de la structure du corps humain en sept livres). ↩︎

  14. Magali Vene, op. cit. p. 14. ↩︎

  15. G. Canguilhem (1994) cité par Danielle Seilhean, op. cit. p. 89. ↩︎

  16. Magali Vene, op. cit. p. 15. ↩︎

  17. Ibid. pp. 15-16. ↩︎

  18. Karim Ressouni-Demigneux, « Cadavres exquis, version hard », Beaux-arts magazine, n°289, juillet, 2008, p. 100. ↩︎

  19. Magali Vene, op. cit. p. 20. ↩︎

  20. Ibid. p. 27. ↩︎

  21. Magali Vene, op. cit. p. 21. ↩︎

  22. Marcel Brion, « Déshabillages », in Bellmer, Paris, Obliques, numéro spécial, 1979, p. 151. ↩︎

  23. Il les différencie dans son texte des « nus conventionnels » d’une peinture qui déshumanisent la figure parce qu’ils n’« évoquent même l’ombre de ce trouble qu’engendre dans la réalité la vision d’un corps […]. », Michel Leiris, « L’Homme et son intérieur », Documents, n°5, (1930), in Documents, Volume 2, Paris, éditions Jean-Michel Place, 1991, p. 261. ↩︎

  24. Ibid. ↩︎

  25. Jacques Derrida, L’Animal que donc je suis, Paris, Editions Galilée, Coll. La Philosophie en effet, 2006, p. 75. ↩︎

  26. Ibid. p. 84. ↩︎

  27. « L’expérience intérieure de l’homme est donnée dans l’instant où, brisant la chrysalide, il a conscience de se déchirer lui-même, non la résistance opposée du dehors. Le dépassement de la conscience objective, que bornaient les parois de la chrysalide, est lié à ce renversement. », Georges Bataille, L’Erotisme, Œuvres complètes X, (Editeur Jean-Jacques Pauvert, 1961, 1971), Paris, éditions Gallimard, Coll. NRF, 1987, p. 42. ↩︎

  28. Cf. « Cru-ôté du corps », mon mémoire de Master M2 Recherche en arts plastiques, sous la direction du Professeur Michel Sicard, soutenue en juin 2011, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, UFR 04 Centre Saint Charles, pp. 79-80. ↩︎

  29. Magali Vene, op. cit. p. 21. ↩︎

  30. Ibid. p. 31. ↩︎

  31. Didier Anzieu, Le Moi-peau, Paris, éditions Dunod, Coll. Psychismes, 1985, p. 17. ↩︎

  32. Philippe Comar, Les Images du corps, Paris, éditions Gallimard, Coll. Découvertes Gallimard Sciences, 1993, pp. 87-89. ↩︎

  33. Selon une technique qui date de 1977 de l’anatomiste allemand Gunther von Hagens, Raphaël Ruffier-Fossoul, « Our Body : Les Cadavres peuvent rapporter gros », Site du Lyon Capitale, 27 mai 2008, http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Culture/Exposition/Our-Body-Les-cadavres-peuvent-rapporter-gros ↩︎

  34. Rédaction, « L’exposition de cadavres « Our Body » interdite à Paris », Blog de Le Point, 21 avril 2009, http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-04-21/l-exposition-de-cadavres-our-body-interdite-a-paris/920/0/336600 ↩︎

  35. Cf. Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, Œuvres complètes, Tome IV, Paris, éditions Gallimard, Coll. NRF, 1964, pp. 136-137. ↩︎