NEUROPOSTHUMAIN

expérimentation transcyberféministe des techniques de l'hybridité en tant que critique des biopouvoirs dans une pratique de l'art performance technologique

BIOGRAPHIE

Archie (i(e)l) explore une pratique expérimentale du rapport à ses perceptions. Par une approche de l’hybride et des multiples (mad, trans, non-binaire, gender hacker), ses expérimentations du posthumain déconstruisent et reforment, par la méta-cognition, une exploration transformative de soi, des sens et des synesthésies.


ÉNONCÉ DE PROJET

 

NERUOPOSTHUMAIN est une expérimentation installative post-photographique augmentée par projection videomapping en mouvement. Ces photographies augmentées et mixtes ont comme sujet mon propre corps, informe, refiguré et défiguré, déguisé, transformé, queer et métamorphosé par les expériences hallucinatoires et mon expérience de ma transidentité.

 

Ce projet a comme point de départ conceptuel et matériel une métaphore hallucinatoire dans sa conception de la fluidité identitaire du cyborg. En superposant l’image fixe et l’image en mouvement, l’image matérielle imprimée et l’image évolutive projetée, j’exprime la volonté de faire transparaître ce que peuvent faire ressentir certains symptômes hallucinatoires avec lesquels je compose depuis toujours. Ces expériences déchirantes deviendront des forces pour repenser le rapport émergent au chaos-monde (Edouard Glissant) et au devenir.

Ces photographies deviendront écrans et prendront une composition du cut-up qui permettra de réfléchir à leurs aspects post-photographiques comme données, mais aussi comme cadre (ce qu’elles laissent à l’extérieur de la représentation) et comme construction perceptionnelle. La projection agit comme une métaphore pour ce que nos sens projettent, voir l’impossibilité d’atteindre une réelle connaissance des sujets uniquement au travers de la perception pure, sans s’y engager.

 

Par des photographies (analogique et numérique) et vidéographies de gestes performatifs (eux-mêmes rétroactivement augmentés par la projection), j’explore la transduction entre les données, les procédés de développement chimique et sa captation physique, ainsi que la réorganisation de la relation à la pensée. Ces explorations où le collage n’utilise plus la colle mais le cerveau comme liant se fait rencontre entre différents types de binarité pour trouver la nuance et la fluidité entre les extrêmes d’un spectre : entre le low art et le high art, le (s)low tech et le high tech, la norme et l’atypique, le matériel physique et le matériel virtuel.

 

Là où Picasso propose le collage comme “trompe-esprit", je construis ma conception du collage augmenté comme “trompe-réel”, qui finit par une sympofiction (inspiré par le SF de Donna Haraway) : une fiction créée dans une symbiose avec le monde de ce qui n’existais pas auparavant. Comment la fiction influence-t-elle le réel ?

RÉSUMÉ

Je développerai des dispositifs exploratoires des perceptions que je nomme des “aides technologiques à la métamorphose”. Ces dispositifs seront le point de départ de performances queer. Ces objets techniques seront des prolongements prothétiques exploratoires de mon corps et de mon esprit. Je mettrai en action des oeuvres électroniques DIT (Do-It-Together) utilisant de la biorétroaction; du code hacké et des machines (ordinateurs, appareils photo, instruments de musique) pour mettre en place des performances. J'enregistrerai ensuite par photographies et vidéographies ces actes performatifs pour les transformer; les faire transitionner vers d’autres états de devenir. J'explorerai donc des pratiques queer en performance technologique, source de métamorphose à la fois individuelle et collective. Ainsi, je pourrais explorer comment la transdisciplinarité et l’hybridité construisent nos rapports à nos perceptions. 

Comment les performances artistiques posthumaines queers peuvent-elles permettre d’expérimenter des avenues de résistance et de métamorphose des corps par la déconstruction des perceptions? 

Mon hypothèse est que cette métamorphose hybridée permettra d’explorer une forme de métanalyse projective où les agents activant les œuvres se verront confrontés à une déconstruction transformative systémique pour créer une association entre les humains (personnes ayant le statut d’humain) et non-humains (personnes n’ayant pas toujours un statut d’humain, les organismes vivants de la faune et de la flore, la matière, etc.).

FONDEMENTS THÉORIQUES

NeuroPosthumain (2023) prend comme point de départ une exploration des sensing practices, telles que définit dans le Posthuman Glossary (Rosi Braidotti), par la philosophie du processus (Brian Massumi) dans une approche queer d’autolaboratoire (Paul B. Preciado) et psychotique.

 

Les sensing practices pourraient être définit en ces termes : « Sensing practices refer to the ways in which sensing and practice emerge, take hold and form attachments across environmental, material, political and aesthetic concerns, subjects and milieus. […] and [it] empowers people to sense for political effect, giving rise to question about the politics of sense, and how sensing entities transform into agents of provocation and change. » [1]

 

Cette émergence sera, dans le cas de NeuroPosthumain, la relation entre différents senseurs (qu’ils soient celui d’une caméra, de capteurs de mouvements qui créent du sons, ou encore de rétroactions audioréactives, ou de différents capteurs biométriques comme des capteurs de poulx DIY, etc.) une façon d’expérimenter des nouvelles synesthésies et ce que cela crée comme processus de déconstruction face à nos propres perceptions. L’idée de relation à nos perceptions comme agents de changement passe nécessairement par une déconstruction du sujet. Ici, dans ce projet de recherche-création, il se veut « neurodissident ».

 

Cette appellation, dans les termes de Michael Lachance, nous amène à nous questionner sur la dichotomie corps-esprit et ses systèmes de contrôles bio-psycho-onto-politique : « De nombreuses productions artistiques rejouent la mécanisation du corps par le régime biopolitique dominant dans nos sociétés contemporaines, où le corps est un rouage de la machine techno-industrielle, producteur de plus-value et cheville de la reproduction du capital. Ce sont des tentatives de rendre tangibles – et critiquables – un devenir-machine du corps et une mécanisation de l’esprit, lorsque l’expérience psychique est réduite à une description du fonctionnement matériel du cerveau. Cette nouvelle génération d’artistes abandonne le paradigme du corps-vérité, où le corps est le siège de l’identité et de l’expérience, et s’intéresse aux nouveaux modes de communication et de médiation. »[2]

 

La philosophie du processus (aussi appelée ontologie du devenir), dans la pensée de Brian Massumi, est décrite comme la philosophie de l’émergence et de l’évènement. Comme dans la pensée de Gilbert Simondon lorsqu’il décrit la technologie, la philosophie du processus est la relation.

 

Massumi est aussi à l’origine du terme ontopouvoir, qu’il décrit dans son livre « Ontopouvoir : guerre, pouvoirs, perceptions » dans lequel il décrit l’ontopouvoir comme le pouvoir de préemption (pas juste prévenir la violence mais y réagir préemptivement) issu du 11 septembre 2001 et de la gouvernance américaine de la lutte contre le terrorisme. L’ontopouvoir est donc un contrôle du devenir, ce que l’on peut être. Il agit en complice des biopouvoir (Michel Foucault)et des psychopouvoir (Bernard Stiegler).

 

C’est en mobilisant ces pensées dans une avenue mad, queer, trans et hacker que je pense et agis dans NeuroPosthumain dans des questionnements sur l’ontologie perceptionnelle. « In this respect, sensing practices are world-making practices (Stengers 2011). They are ways of ‘meeting in a world shared in common’ (James 1996). »[4]



[1] Braidotti, R. and Hlavajova, M. (2018). Posthuman glossary. “Sensing Practices”, 1st ed. London: Bloomsbury Academic, p. 394.

[2] La Chance, M. (2018). L’irrépressible mécanisation de l’esprit et les formes artistiques de la neurodissidence. Inter, (128), p. 32–36.

[4] Ibid, p.396.