À TRAVERS LA CRÉATION DE MISES EN SCÈNE OÙ LES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DE L'INSTALLATION SE RÉPONDENT ET SE COMPLÈTENT, JE TRAVAILLE AVEC L'ARGILE AVEC LAQUELLE JE CRÉER DES FIGURES HUMAINES DE DIFFÉRENTES ÉCHELLES QUI SONT EN RELATION AVEC DES ENVIRONNEMENTS MINIATURES. 


JE M'INTÉRESSE À NOTRE ÈRE DE DESTRUCTION, À LA MENACE DE LA CRISE CLIMATIQUE ET À LA DÉTRESSE HUMAINE QUI EN DÉCOULE. TRAVAILLANT SURTOUT AVEC L'ARGILE NON CUITE, UNE MATIÈRE

EXTRÈMEMENT FRAGILE, MAIS ÉGALEMENT CONSTAMMENT EN MÉTAMORPHOSE, JE M'INTÉRESSE À LA FIGURE DE LA RUINE ET DE LA SURVIVANCE ET À UNE ESTHÉTIQUE DE LA DISPARITION ET DE L'EFFONDREMENT

 



La ruine, cet état de dégradation et d’écroulement d’un bâtiment, m’a toujours captivé, celle-ci ouvrant sur un imaginaire de fragilité et de destruction. La ruine implique en premier lieu une déchirure, un anéantissement, un abandon. Que se soit lié à une guerre, une catastrophe, une crise économique ou un renoncement,1la ruine naît par la destruction, et se poursuit par son état de survivance, ne s’apparentant alors « ni à la vie ni à la mort tout à fait»2.



 



 

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RUINE, DYSTOPIE, SURVIVANCE


 

La crise environnementale étant également une crise humaine, je voulais introduire une figure humaine à l’installation. La femme est à genoux, sans bras et sans tête. Je voulais présenter ce corps en état de vulnérabilité, accompagnant le bâtiment en dissolution.

 

Ils étaient toujours entrain de crier. Jamais un moment de repos.

On s'y attendait un peu c'est vrai mais sinon tout s'est passé très vite.

 La miniature permet de créer des espaces vastes dans un espace restreint. Celle-ci peut également amener le spectateur à se projeter à l'intérieur même de ces espaces, créant une impression d’immersion dans l'œuvre narrative. La taille réduite des personnages et des lieux crée une promiscuité entre le spectateur et l’œuvre, reflétant ainsi l’intimité des sujets abordés. 

Mes sculptures sont composées d'éléments représentés à différentes échelles. Par l’utilisation de formes de différentes échelles et située dans différents contextes je tente de représenter différentes parties d'un tout et d’en faire comprendre davantage toute sa complexité.



 



 



 



 

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J'avais froid

Dans cet état entre la vie et la mort, l’on retrouve dans les ruines et dans leurs poussières cet « écume indestructible de la destruction »3Matière de la dévastation, de ces décombres émanent une mémoire, un passé qui a résisté. Si la ruine évoque un passé, une perte, et même la mort, celle-ci peut également devenir un espace curatif4où se développe une possibilité de renouvellement après la disparition.



 



 

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 Mon désir de travailler avec l’obscurité fait référence à l’époque de noirceur dans laquelle nous sommes. Concernée notre ère de destruction et d’épuisement, j’ai voulu créer un univers d’obscurité où se meut un personnage et un environnement miniature. Fait d’argile noir, devenu gris au séchage, la figure évolue et se fond dans cette noirceur. Grandement inspirée par « La survivance des lucioles »1de Georges Didi-Huberman, la lumière représenterait ici la lueur aveuglante du pouvoir, ou peut-être la faible lumière des contre-pouvoirs, des soulèvements. 

 

Il faisait noir, je cherchais la lumière

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Je me suis réveillé lentement, ma tête prenant forme à partir d'un rêve boueux. J'avais du sable entre les dents, de la salive coulait entre mes lèvres.

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Le bâtiment miniature dans ce projet sera immergé dans l'eau. Fait à partir d'argile non cuite et baignant dans un à deux pouces d'eau, celui-ci fondra tranquillement. C'est alors pour moi une tentative de non pas traiter de la ruine elle-même, mais du chemin vers la ruine, de l'étape de la destruction.


L’argile non cuite est mon matériau principal, elle sous-tend la précarité, le péril et la ruine. De là, elle suggère une déchirure, un anéantissement, un abandon, voire l’absence. Les corps des figures humaines ayant été touchés, elles en ressortent blessées, mais survivantes. La notion de survivance accompagne l’argile sèche et la situe comme une matière de la fragilité et de la dévastation. 


Ici les éléments principaux, c’est-à-dire la figure humaines et le batîment dans l’eau, sont tous deux de la même matière, c’est-à-dire l’argile noire non cuite. Je désirais que tout se fonde dans une même matière, rappelant le fait que comme le disait Merleau-Ponty, nous sommes la nature, elle n’est pas face à nous, nous faisons partis d’elle. L’absence de couleurs témoigne du désir de laisser parler la forme et la matière première sans artifice.

ÉTANT FACE INSASISSABLE, TIMOTHY MORTON QUALIFIER LA CRISE CLIMATIQUE

«HYPEROBJET »1, C'EST-À-DIRE UN OBJET SANS CONTOUR NI LIMITES, QU'IL EST DIFFICILE DE SE FIGURER, COMME L'EST LA CRISE CLIMATIQUE AUQUEL NOUS FAISONS ET FERONS FACE. L'ART EST, SELON SANTIAGO ZABALA, UNE MANIÈRE DE SE FIGURER LA CRISE ET DE SE PROJETER AU COEUR DE L'URGENCE. L'OEUVRE EST DONC UNE TENTATIVE D'INVITER LE SPECTACTEUR À SE PROJETER DANS L'AVENIR, AU COEUR DE L'AFFECT. 



 

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De ne montrer que des parties de corps et non pas un corps entier est une façon de oui démontrer une vulnérabilité, mais également de diriger le regard du spectateur sur des éléments en particulier du corps et de la posture d’une figure. La figure étant sculptée dans l’argile sèche, celle-ci suggère une fragilité et une mise à nue des corps; son côté aride et effrité place les personnages en état de survie.



 



 



 



 

Je me souviens de l'odeur de la terre mouillé.

J'entendais crier mais je ne savais pas d'où ça venait 

Je regardais autour de moi les ruines et autres corps détruits qui traînaient par tas. Je tombais malade. Je me sentais me transformer en poussière, m'envoler, tranquillement, je perdais la mémoire...

NATURE IS THE PRIMORDIAL- THAT IS, THE NONCONSTRUCTED, THE NONCONSTUTUTED; GHENCE THE IDEA OF AN ETERNITY OF NATURE (...) OF A SOLIDARITY. NATURE IS AN ENIGMATIC OBJETC THAT IS NOT AN OBJECT AT ALL; IT IS REALLY SET OUT IN FRONT OF US. IT IS OUR SOIL ( SOL) - NOT WHAT IS IN FRONT OF US. BUT RATHER THAT WICH CARRIES US. - MAURICE MERLEAU PONTY, 2003 

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Références:

1-MORTON,Timothy, 2013, Hyperobjects, Philosophy and Ecology after the end of the world, Posthumanities27, USA

2-ZABALA, Santiago, 2017, Why Only Art Can Save Us, Columbia University Press, USA

3-DIDI-HUBERMAN, Georges, 2001, Génie du non-lieu, Les éditions de minuit, France

4-BOUCHIER, Martine, 2016, Le moment politique des ruines, Frontière, Volume 28, Numéro 1, 2016, p. 1

 5- DIDI-HUBERMAN, Georges, 2001, Génie du non-lieu, Les éditions de minuit, France, p.16

 6-Idem, p. 55

7-DION, Flavie, 2016, La fondation d’un nouvel espace pour une mémoire blessée : Dialogue entre la poétique des ruines dans l’art d’Anselm Kiefer et l’avènement de la psychothérapie, Essai présenté comme exigence partielle du doctorat en psychologie, UQAM, p. 95