Faire, défaire, reconstruire
Disperser, rassembler, éclater
Ne jamais ériger trop en hauteur car ça tombera c’est sur
Larmes et rêves entremêlé.es à mon aiguille,
Je me confonds au petit avion qui se dessine au fil bleu
Ma peau devient aiguille, l’aiguille me devient peau
Mes muscles deviennent avion
Je deviens recherche
L’effet moiré qui émerge du tissu transparent me force à réfléchir autrement
Même si ça donne mal à la tête
Une topographie magique surgit lorsque je confronte des binaires avec mes mains
Lorsque je les frotte l'un contre l’autre et qu’une étincelle en naît
Un nouveau lieu où l’on peut construire
Je m’acharne à garnir d’opacités ce grand mur transparent
Brodées, projetées, dessinées, emprisonnées
Opacités lumineuses
Opacités qui ouvrent à l’infinité de la relation
Je permets à mes organes et à mes cellules de songer à un monde aux frontières poreuses
Aux sois collectifs, aux corps-territoires, aux milles épaisseurs et milles étendues
Blessures et soins en alternance
Je m’empresse d’en faire la carte
Peut-être que la carte à son tour me fera
À la recherche d’actions et de lieux qui résonnent avec ce désir d’un monde multiple, je développe dans le cadre de ma maîtrise la notion d’autogéographie; comme pratique, comme méthodologie de recherche et comme invitation à la rencontre, à la création de nouveaux imaginaires et à la reconnaissance de multiples formes d’être, de connaître, de faire et de ressentir. L'autogéographie est proposée comme un processus absolument collectif qui naît de l'urgence d'imaginer de nouvelles façons de vivre les liens qui nous unissent à tout ce qui nous entoure et nous constitue. Empruntant un chemin contre-cartographique, l’autogéographie oblige un jeu à différentes échelles spatiales et temporelles, pour nous permettre de mieux embrasser les insaisissables complexités et épaisseurs du soi et du monde.
Pour ceci, je me tourne vers des propositions qui mettent le corps, le relationnel, l’émotionnel et le sensible au centre de nos boussoles, sortant des paradigmes occidentaux, binaristes et rationalistes du monde. Adoptant une raison artisanale, je cherche à construire, déconstruire et naviguer avec et au travers de ce qui m’est disponible ; Mes yeux et mon estomac, mes mains, mes fils et mes aiguilles, ma voix et ma mémoire. Mes principales.aux allié.es: Ma mère et ses techniques de restauration de rivières; Gloria Anzaldúa et son autohistoria-teoria comme méthodologie d’auto-connaissance et d’auto-ignorance; Les féminismes communautaires latino-américains et la notion de cuerpo-territorio, proposée à la fois comme posture politique, comme forme sentipensante d’être en relation avec le monde, de résister et de renoncer aux pratiques patriarcales et néocoloniales; Karen Barad et sa proposition éthico-onto-épistémologique (oui ça donne mal à la tête) comme plaidoyer pour la reconnaissance d’une l’intra-action qui admet la force d’échange et de transformation que contient la relation; puis Édouard Glissant, le droit à l’opacité et sa philosophie de la Relation, comme formes d’embrasser et de célébrer le divers, comme invitation à la créativité et à l’écriture, à l’imaginaire, à la résistance et à la rencontre.