On suggère l’infini mais aussi le pas encore commencé : Crises, lieux et opacités

 

Tania Lara Casaubon

 

Faire, défaire, reconstruire 

 

Disperser, rassembler, éclater 

 

Ne jamais ériger trop en hauteur car ça tombera c’est sur 

 

 

 

Larmes et rêves entremêlé.es à mon aiguille, 

 

Je me confonds au petit avion qui se dessine au fil bleu 

 

 

 

Ma peau devient aiguille, l’aiguille me devient peau 

 

Mes muscles deviennent avion 

 

Je deviens recherche 

 

 

 

L’effet moiré qui émerge du tissu transparent me force à réfléchir autrement 

 

Même si ça donne mal à la tête 

 

Une topographie magique surgit lorsque je confronte des binaires avec mes mains

Lorsque je les frotte l'un contre l’autre et qu’une étincelle en naît 

 

Un nouveau lieu où l’on peut construire 

 

Je m’acharne à garnir d’opacités ce grand mur transparent 

Brodées, projetées, dessinées, emprisonnées 

Opacités lumineuses 

Opacités qui ouvrent à l’infinité de la relation 

 

Je permets à mes organes et à mes cellules de songer à un monde aux frontières poreuses 

Aux sois collectifs, aux corps-territoires, aux milles épaisseurs et milles étendues 

Blessures et soins en alternance 

 

Je m’empresse d’en faire la carte 

Peut-être que la carte à son tour me fera 

 

À la recherche d’actions et de lieux qui résonnent avec ce désir d’un monde multiple, je développe dans le cadre de ma maîtrise la notion d’autogéographie; comme pratique, comme méthodologie de recherche et comme invitation à la rencontre, à la création de nouveaux imaginaires et à la reconnaissance de multiples formes d’être, de connaître, de faire et de ressentir. L'autogéographie est proposée comme un processus absolument collectif qui naît de l'urgence d'imaginer de nouvelles façons de vivre les liens qui nous unissent à tout ce qui nous entoure et nous constitue. Empruntant un chemin contre-cartographique, l’autogéographie oblige un jeu à différentes échelles spatiales et temporelles, pour nous permettre de mieux embrasser les insaisissables complexités et épaisseurs du soi et du monde. 

 

Pour ceci, je me tourne vers des propositions qui mettent le corps, le relationnel, l’émotionnel et le sensible au centre de nos boussoles, sortant des paradigmes occidentaux, binaristes et rationalistes du monde. Adoptant une raison artisanale, je cherche à construire,  déconstruire et naviguer avec et au travers de ce qui m’est disponible ; Mes yeux et mon estomac, mes mains, mes fils et mes aiguilles, ma voix et ma mémoire. Mes principales.aux allié.es: Ma mère et ses techniques de restauration de rivières; Gloria Anzaldúa et son autohistoria-teoria comme méthodologie d’auto-connaissance et d’auto-ignorance; Les féminismes communautaires latino-américains et la notion de cuerpo-territorio, proposée à la fois comme posture politique, comme forme sentipensante d’être en relation avec le monde, de résister et de renoncer aux pratiques patriarcales et néocoloniales; Karen Barad et sa proposition éthico-onto-épistémologique (oui ça donne mal à la tête) comme plaidoyer pour la reconnaissance d’une l’intra-action qui admet la force d’échange et de transformation que contient la relation; puis Édouard Glissant, le droit à l’opacité et sa philosophie de la Relation, comme formes d’embrasser et de célébrer le divers, comme invitation à la créativité et à l’écriture, à l’imaginaire, à la résistance et à la rencontre.