les vestiaires c’est un de mes endroits de PTSD je crois. c’est fou comme le fait de dissocier ça révèle les endroits de peurs. quand je me change dans les vestiaires dans n’importe quel contexte. vraiment partout, mon cerveau s’éteint, je ne vois rien ni personne. alors quand j’imagine que c’est un lieu de cruising pour d’autres personnes c’est encore plus la folie. moi ce que je vois c’est les vestiaires du sport à 13 ans. la honte de se changer, les heteros qui se foutent de ma gueule, l’humiliation de trouver ma bite trop petite, l’humiliation d’être trop fem et séparé.e.x de toutes ses potes meufs. et en vrai de nos jours je kiffe l’humiliation, les odeurs de transpiration et tout ça. mais j’arrive pas à reclaim le vestiaire comme endroit sur. je baisse les yeux, ma tension artérielle augmente, dans ma tête ça bug et on pense plus à rien. cœur corps en état d’alerte. c’est comme le barber d’hétéros, ça me fait le même truc. je retourne à cet âge là de peur comme si à chaque seconde on allait me crier « sale pédale ». alors que en soit, yes bien sûr je suis une sale pédale et je n’ai pas vraiment honte. donc il est où le truc. le qui-vive du poil qui se hérisse, vais-je me faire frapper dans les vestiaires? ça se lit sur ma gueule. je ne veux pas le cacher et pourtant j’en ai peur de cette queerness. car on le sait cette queerness, elle peut se coûter ta vie dans certains contextes. cette queerness elle peut te faire caner à n’importe quel moment de découverte trop grande, de liberté trop brûlante, cette queerness elle brille tellement qu’on veut l’éteindre à coups de bouteille en verre, de poings dans la gueule, de crachats dans la rue et d’insultes volantes. ça devrait plutôt m’exciter d’être une sale pédale parmi tous ces conventionnels, les admis dans le jeu de la normativité. mais ça m’excite pas. genre j’ai la peau croustillante dans ces moments, comme un beau poulet. je shut down pour pouvoir réagir à chaque regard agressif, chaque éventuel toucher, chaque mot de travers. état d’alerte. après tu me diras rien de nouveau pour les meufs. moi je joue des rôles troubles. je me change le plus vite possible, verrou sur le casier, on baisse les yeux. ça me fait penser à un spectacle de Carolina Bianchi que j’ai vu récemment. dans son spectacle Brotherhood elle pose une question à un mec dans une fausse interview pour révéler le patriarcat flagrant qui violente nos milieux artistiques. elle lui demande si parfois il se questionne lui-même sur sa vivacité. “et toi, est-ce que tu te sens tout le temps vivant? car moi je suis morte depuis l’incident” un truc du genre. son spectacle c’est une mise en scène comme une sorte de thèse très élaborée sur la violence sexiste complexe qui nous est infligée par la brotherhood. Je me pose tout le temps la question de si je suis vraiment vivant.e.x moi aussi. j’ai la fâcheuse tendance à me voir dans un jeu vidéo écran depuis quelques mois. je suis mort.e.x.s je peine à sortir du Styx. mes yeux perçoivent l’écran, les gens autour de moi sont des personnages au même titre que Beyoncé et cette demure TikTok girl sur mon écran, au même titre que Baldwin et E. Butler dans mes livres, au même titre que mon arrière grand-mère décédée et mes nombreux.ses potes suicidée.x.s dans mes pensées. je vois tout ça et c’est la même valeur. je vois tout ça et je tombe de plus en plus loin. mon cerveau en mode jeux vidéo perd sa capacité à se rafraîchir. mon téléphone est mon talisman, il connaît mes doigts par cœur, l’objet réconfortant de mon capitalisme intraveineux tellement ancré que je ne réalise plus les fossés du réalisme. ma génération c’est la zombie 2.0. la possession de mon temps par le capitalisme. de mon corps, de mes pensées, de chaque seconde où je ne dors pas. et bientôt la mort physique. car la mort mentale est déjà advenue. l’addiction à la bite c’est peut être pour ça. quand ça pénètre, ça perce mon corps je ressens le réel revenir un peu. il surgit sous la forme d’un coup de matraque. le beau ultime entre en moi et se superpose au sale. les couches sédimentaires de l’histoire qui se répète dans l’espace entre deux connections neuronales. tu as l’impression d’être dans les limbes toi aussi? genre je dirige les commandes depuis le vaisseau spatial, le temps se plie en deux on est en mode Star Wars. je prends sa bite, ses bites et le temps se plie. les réactions corporelles me rattrapent genre la soif, le manque d’air, la douleur du muscle qui s’allonge. ça tremble en nous. le multiple se déploie. la bite dans ma chatte ça me donne un goût du réel. le plaisir c’est le retour obligatoire.