pour réussir à baiser et être baisable je multiplie les attaques. je suis sur environ 6 applications de sexe gay et/ou queer. le cruising post-humaniste. ces applications je les utilise de manière différente en fonction de la ville dans laquelle je suis. dans certaines villes la culture du Grindr took over. dans d’autres l’anonymat de Sniffies fonctionne bien. chacune des app à son mode de communication. sur Grindr c’est le famous « Salut, ça va? Tu cherches quoi? » dans toutes ses déclinaisons. sur Sniffies c’est photo du cul et anonymat. après si on demande une photo visage il est possible d’obtenir un refus car c’est le monde des DL « Down Low », les discrets quoi. on connaît la localisation par contre donc on sait mieux que sur Grindr où la personne se trouve, moins de visage mais plus intrusif sur le traçage en temps réel. sur Les Pompeurs c’est les avis qui comptent. Comme au supermarché tu peux laisser ton commentaire et plus il y en a plus ça favorise tes chances d’obtenir des messages nombreux. la jungle de la chasse sur les apps. tu cherches je cherche on cherche. il y en a d’autres plus queer bien sur. je dois jouer de mes niveaux de masculinité féminité avec adresse en fonction de mon site. sur divineva je parle surtout avec des mecs bi ou hétéros. je dois être lisse, femme. le monde des chasers qu’on l’appelle. enfin dans mes moments kinky je vais sur Recon. là le mot d’ordre c’est la description. il faut bien articuler ses trips, donner envie à ses lecteur.ice.s de te contacter. quelques photos artistiques, une description intelligemment inspirée. c’est l’espace des poètes du fouet Recon. je parle comme une meuf, je parle comme un mec, on me donne des ordres, je donne des ordres. le respect, on m’insulte au premier message. le discours change tu vois. je suis un.e shapeshifter comme chante Lorde. on s’exhibe, on se vend, on se donne à voir, à consommer. je suis un projet de la modernité. un projet très moderne, contemporain. la danse contemporaine. les danses contemporaines. je viens du futur. Fabian Barba parle du lien entre modernité et colonialité. vouloir sauver, contrôler et conquérir le futur est évidemment un projet colonial. le projet moderne veut transformer, homogénéiser et normaliser. « the norm is not norma » change Kae Tempest. être un modèle moderne parle de la violence de l’extraction des ressources. mon corps a été colonisé. je veux le dé-coloniser. je veux un retour à la terre. je veux un retour à la campagne où j’ai grandis. je veux travailler ma terre, mon corps, ma lenteur. je porte la violence du moderne dans mon corps. je marche dans la rue et j’expose ma violence au monde. il faut questionner nos expériences du temps. arrêter de vouloir tout remettre au futur. à l’ecole on me parle de la « guerre d’Algérie » mais jamais du projet colonial Français. les corps tués qu’on ne peut pas pleurer. les corps qui n’ont pas le droit au deuil. Judith Butler parle de ça dans son livre la force de la non-violence. et tu en veux de cette viande, croquer au fond les dents ensanglantées. les canines tranchantes les muscles se déchirent. la jungle de la chasse est luxuriante. je suis proie et prédateur. à 4 pattes dans le primal. qui peut définir le primitif au final? je fais monter le sang dans ta grosse bite avant de la consommer. la jungle est dé-digitalisée. cruiser cyborg. la faim au ventre, vouloir tuer et jeter. on entend pas les discussions illusoires qui nous font croire que nos proies ne sont pas seulement consommables. quand mon 6eme plan de la semaine commence à me parler de sa vie. tout ce que je veux c’est jeter manger. je le vide de ses fluides, il se casse. il m’a donné la gonorrhee en échange. le sperme, la pisse, la bave, les maladies sexuellement transmissibles, les hormones, les maladies salivement transmissibles. on se parasite. on est parasites. je suis parasite du monde de la baise. je connais les codes par cœur. depuis que j’ai 15 ans ça bosse à bout de doigts pour y goûter. depuis que j’ai 15 ans je me virtualise. je deviens victuailles forfaitaires. je me fais bouffer le cul. on met le couvert et on suce la vie hors du corps. réalité parallèle loin des hétéros. réalité parallèle où l’on se tue, se laisse tuer. la crise du sida passe doucement hallelujah. mais on continue de se tuer à coups de chem sex. on continue à frôler. espace liminal. la peau froide de peur. overdose de plaisir.