le truc impressionnant avec le fait d’être un.e bottom qui age c’est de souffrir du sexisme dont les personnes identifiées comme femmes font face au quotidien. je dois rester jeune, mince musclée pour être désirable. je me retrouve parfois à mentir sur mon âge pour correspondre aux curseurs de recherche qui vont me permettre d’être désirable. d’ailleurs dans son livre close to the knives, David Wojnarowicz, il écrit un truc qui m’a fait trop réfléchir. il dit que sa recherche de la volonté de recevoir de l’amour résonne avec le manque d’amour dont ses parents ont fait preuve. et putain clair, je cherche à me faire désirer et plaire aux autres pour combler le vide du manque d’amour inconditionnel dont je manque. la recherche pour combler le manque. la recherche pour remplacer le vide. se faire remplir remplir de pisse, jus et bave pour faire déborder le vase trop vide de mon existence. c’est aussi peut être pour ça que j’aime être bottom, j’aime me faire combler. sentir qu’une personne prend place en moi. on parle meme de circlusion que de passivité maintenant. la circlusion c’est l’acte d’englober, d’entourer par ses trous une éminence de quelque sorte. et j’aime bien cette image pour moi. j’enveloppe non forcément de manière passive, je fusionne, je transforme, je recouvre, je chimèrise avec l’autre. il y a une dissolution de l’être dans un.e autre. cette circlusion elle sort aussi peut être de l’injonction normative à la perfection sexiste de notre cis-tème. en t’enveloppant je transforme. Emmanuel Coccia dans son livre métamorphose il parle de ça aussi mais pour la bouffe et la discussion, je parle de ça mais pour le cul c’est pareil tu vois. genre il énonce que quand on mange on devient momentanément ou même de manière permanente ce que l’on mange. quand la personne assez taree pour lire ces lignes de PD les lit, elle devient un peu de moi. ma pensée ou que je sois possède ce corps qui lit. nous fusionnons, l’idée d’entité individuelle disparaît pour le symbiotique au moment de la lecture. les aliments que l’on mange prennent possession de notre corps. quand je parle à un.e pote je suis en possession de son corps et iel du mien. un truc du genre tu vois. pareil pour la circlusion mais en plus concret bien sûr. je deviens unicorn au fond du trou. poétique on est d’accord. c’est ça que je kiffe au fond dans le plan, j’aime me transcender moi-meme de manière hyper concrète. je disparais sous forme singulière au présent, en direct, en quelques secondes. oh c’est trop sexy la pluralité adaptée au présent. c’est sexy de se sentir plus qu’1. c’est sexy de pouvoir se dépasser soi-même. se décentrer alors qu’on est au centre de l’action. chimère vivante de mon expérience queer. c’est vertigineux cet espace temps du maintenant qui se multiplie. après ce que je vois aussi c’est que plus je correspond au stéréotypes de genre dis “masculins” ou “féminins” plus on me désire à un endroit du spectre. Soit c’est sissy land et on veut que je porte une jupe, des bas, une perruque et du make up en mode travelo en cachant ma bite, soit c’est vraiment hors de question et on veut bite érigée avec des poils et des grognements de brother. même si je circlusionne dans les deux cas. flouter la distance du genre c’est plus difficile à accepter pour beaucoup. le flou et le mix fugitif des choses c’est moins désirable. plus on m’identifie plus on me désire. je veux pas ça. je veux que tu baises des choses flou, désirer l’inconnu du genre, je veux désirer des monstres érotiques. je veux me faire désirer comme ça aussi. c’est beaucoup de je veux, c’est aussi un agenda politique ce que l’on désire. ce sur quoi on porte notre attention. dans une économie du déficit attentif à cause de nos vies virtuelles, je souhaite faire attention à quoi je fais attention. je veux décider plus volontairement ce que je regarde, ce qui traverse mes yeux. ça s’imprime sur la rétine et même quand tu fermes les yeux ça résonne. ça s’imprime sur la rétine et ton comportement vrille. ton comportement virile même.