ARTISTES:
ANNIE AUGER, CLAIRE BURELLI, OCÉANE BUXTON, PIERRE-OLIVIER DÉRY, FENYX FLORENTINY, NATHALIE GUILLOUX, ALEX HALLÉE, LAURENCE LAPOINTE-ROY, NICK MA, GIUSEPPE MASIA, PIERRE-ÉTIENNE MASSÉ, DENIS McCREADY, SAMUEL MERCURE, FATIMA-ZOHRA OUARDANI, JULIE PASTORE, GABRIELLE TURBIDE, MARIE-PIER VANCHESTEIN
INVITÉS:
MAGALI BABIN, JACYNTHE LORANGER, MICHÈLE MAGEMA, LUCIE ROCHER, RIHAB ESSAYH
Le projet Carcasse XR est le fruit de deux années de recherche sur la poésie des moteurs. Cette installation offre un regard poétique et sensible sur les dérives d’une culture automobile qui contamine et s’infiltre profondément dans notre quotidien. Après avoir investigué divers autodromes régionaux, festivals et rassemblements populaires gravitant autour de cette machine, j’ai commencé à percevoir la voiture non plus comme un simple objet technique, mais comme une entité organique, une prothèse médiatique qui, collectivement, nous informe sur notre rapport à la vitesse et au progrès. L’automobile apparaît ainsi comme un dispositif en mutation, envahissant et transformant la face du monde.
L’installation s’articule autour d’un assemblage sculptural central, réalisé à partir de pièces mécaniques et de fragments de carrosserie récupérés sur une vieille voiture. Ces éléments sont rassemblés de manière à créer une masse informe, semblable à un amas de cellules. Maintenu dans un équilibre précaire par une sangle de transport, l’ensemble repose sur un chariot sous-dimensionné qui donne à la sculpture une impression de lévitation fragile. Une excroissance métallique est fixée à la structure pour supporter des bidons de fluides automobiles, rappelant formellement un soluté médical. Grâce à un système de pompes et de tuyaux, ces fluides sont mis en circulation, activant symboliquement le maintien en vie artificielle de cette forme hybride. Cette mise en scène matérialise le passage de l’automobile du statut d’objet inanimé à celui d’organisme partiellement vivant, où les liquides internes sont réinterprétés comme des humeurs biologiques.
Le projet établit un parallèle explicite entre l’automobile et le roseau commun (phragmites australis), une espèce végétale exotique envahissante qui colonise massivement les fossés bordant les routes du sud du Québec. Introduit au début du XXe siècle à des fins ornementales, le roseau commun a connu une expansion rapide et incontrôlée à partir des années 1960. Cette prolifération est directement liée au développement du réseau autoroutier, qui a créé de nouveaux milieux favorables à son implantation : fossés mal drainés, zones dénudées et avec peu de compétition. Le vent généré par la circulation automobile participe à la dispersion aérienne de ses semences, tandis que l’absence de prédateurs locaux renforce sa domination sur la flore indigène. Ce parallèle permet d’analyser la voiture comme un système vivant, invasif et en expansion, au même titre que cette plante qui restructure les écosystèmes qu’elle occupe. Les deux entités — la machine et la plante — deviennent les symboles d’un monde technonaturel en reconfiguration.
En périphérie de la structure centrale, on retrouvera une projection murale de grand format, jouant le rôle de trame de fond scénographique. Cet aspect de l’œuvre est encore en cours de réalisation et ne sera donc pas présent dans la documentation visuelle. La projection présentera des séquences captées le long de la Transcanadienne, montrant des colonies de roseaux communs filmées en bordure d’autoroute. En postproduction, ces images seront modélisées et mécanisées pour créer un effet de transformation végétale vers la machine. Ce traitement inverse celui appliqué à la voiture dans l’installation, créant un point de rencontre entre le végétal mécanisé et la machine en mutation vers le vivant. En évoquant un environnement artificiel de bord de route, la projection vient situer la carcasse sculpturale comme un roadkill, un résidu laissé par notre système de mobilité, flottant à la lisière du paysage.
À travers cette rencontre entre matière organique, résidu mécanique et environnement végétal, Carcasse XR interroge les frontières entre vivant et non-vivant, entre nature et technologie. Le projet cherche à transformer notre regard sur l’automobile en la réinscrivant dans un écosystème élargi, où la machine n’est plus seulement un outil, mais un acteur transformateur du monde.
Site web: www.instagram.com/peo.dery/