ARTISTES:
ANNIE AUGER, CLAIRE BURELLI, OCÉANE BUXTON, PIERRE-OLIVIER DÉRY, FENYX FLORENTINY, NATHALIE GUILLOUX, ALEX HALLÉE, LAURENCE LAPOINTE-ROY, NICK MA, GIUSEPPE MASIA, PIERRE-ÉTIENNE MASSÉ, DENIS McCREADY, SAMUEL MERCURE, FATIMA-ZOHRA OUARDANI, JULIE PASTORE, GABRIELLE TURBIDE, MARIE-PIER VANCHESTEIN
INVITÉS:
MAGALI BABIN, JACYNTHE LORANGER, MICHÈLE MAGEMA, LUCIE ROCHER, RIHAB ESSAYH
Rip The Needle est une recherche-création qui prend racine dans une série de gestes : récolter, découper, détourner, recomposer. À la base, il y avait cette envie de sampler des vinyles abandonnés, de les découper, de voir ce que ça donnerait si je recollais tout ça comme un collage. D’abord sans trop réfléchir. Juste pour tester, pour entendre ce que ça pouvait produire. Et puis, petit à petit, ça a pris une autre forme. J’ai commencé à construire mes propres platines, à fabriquer mes bras de lecture à la main, à mouler des vinyles en verre. Tout est parti de l’expérimentation, mais à force de faire, j’ai compris que c’était pas juste du son que je manipulais. C’était de la mémoire. Des traces. Des bouts d’histoire.
Aujourd’hui, Rip The Needle regroupe plusieurs œuvres : des installations sonores, des performances, des disques en verre, des modules en boucle, des platines modifiées. C’est devenu un espace de travail vivant, ouvert, fragmentaire. Chaque pièce que je construis en fait partie. Chaque sillon que je découpe aussi.
Ce que je cherche à travers ce projet, c’est à ralentir l’écoute. À faire entendre ce qui d’habitude reste dans le fond du mix. Les frottements, les scrooth, les silences, les bruits de surface, les fragments d’archives oubliées. Je travaille avec des objets usés, des disques rayés, des machines bricolées. Pas pour faire du vintage, ni de la nostalgie. Mais parce que ces objets portent quelque chose. Une présence. Une mémoire sonore.
Deux œuvres issues de cette recherche seront présentées au FIMAV 2025, dans le cadre du parcours d’installations sonores en ville. La première, installée dans un conteneur de trois mètres par trois, est une sorte de boîte sonore ouverte sur la rue. À l’intérieur, trois modules DIY, chacun composé d’une platine artisanale et d’un disque en verre. Chaque module diffuse une plage de fréquence distincte : graves, médiums, aigus. Le tout tourne à des vitesses différentes, sans boucle fixe, dans une forme de lente dérive. Ce n’est pas une pièce spectaculaire. Plutôt une respiration étirée. Quelque chose qui happe si on prend le temps d’écouter.
La deuxième installation est posée dans la vitrine d’un magasin de musique de la rue Notre-Dame. Un seul module. Un vinyle recomposé, découpé au laser, réassemblé à partir de fragments hétérogènes. On voit les coutures, les greffes, les cicatrices. Le disque tourne, diffuse un son discret, à travers un haut-parleur placé à l’entrée. Ici, pas de verre, pas de transparence. Juste le vinyle, brut. Avec ses erreurs, ses collages, sa mémoire cabossée.
Mes références théoriques et artistiques sont nombreuses, mais certaines m’accompagnent de près. Martin Tétreault, d’abord, que je considère comme un repère. Il m’a fait comprendre que le tourne-disque pouvait être un instrument, une surface d’écriture. Que le bruit, les accidents, les défauts, pouvaient faire œuvre. Rosalind Krauss, pour penser la fragilité comme une intensité. Jonathan Sterne, pour sa lecture des supports obsolètes comme archives vivantes. Maria Chavez, pour le glitch et le hasard comme méthode. Merleau-Ponty, pour sa manière de parler de la transparence comme d’une présence discrète. Et Schafer, bien sûr, pour la notion de schizophonie, cette séparation entre le son et sa source.
Mon travail cherche à activer une mémoire sonore à travers la transformation matérielle des supports. Je veux faire entendre autrement. Faire sentir que l’écoute peut être tactile, sensorielle, qu’elle peut passer par le corps, par le geste, par la matière. Ce que je fabrique, ce ne sont pas juste des objets qui font du son. Ce sont des surfaces d’écoute. Des dispositifs à mémoire. Des petites machines à traces.
Ce projet, je le pense comme un chantier. Il est encore en mouvement. Et c’est très bien comme ça.
Site web: www.riptheneedle.com
Vidéo de session d'atelier ici!
Rip The Needle—Cut Vinyl Records, Expérimentation de découpe dedisques vinyles, 33 tours, Montréal, 2024.