ARTISTES:
ANNIE AUGER, CLAIRE BURELLI, OCÉANE BUXTON, PIERRE-OLIVIER DÉRY, FENYX FLORENTINY, NATHALIE GUILLOUX, ALEX HALLÉE, LAURENCE LAPOINTE-ROY, NICK MA, GIUSEPPE MASIA, PIERRE-ÉTIENNE MASSÉ, DENIS McCREADY, SAMUEL MERCURE, FATIMA-ZOHRA OUARDANI, JULIE PASTORE, GABRIELLE TURBIDE, MARIE-PIER VANCHESTEIN
INVITÉS:
MAGALI BABIN, JACYNTHE LORANGER, MICHÈLE MAGEMA, LUCIE ROCHER, RIHAB ESSAYH
Entre le spleen et le wabi-sabi, j’erre dans un entre-deux, mon regard vacille sur le monde, recherchant une connexion… et c’est dans la contemplation d’états décalés, dégradés et d’imperfections que s’arrime ma réflexion. De ces mondes en déclin, « j’extrais — fragmente — insère » autant des artefacts que des métaphores ; je déconstruis et reconstruis, par des matériaux abandonnés, ruinés ou dégradables, des oasis lyriques où l’on peut contempler autant le vide que le passage du temps et ses aléas ; soit des haikyo-niwa.
Ces haikyo-niwa, ces « jardins-de-ruine », sont le concept proposé de ce projet de recherche-création ; un terme créé afin autant de rendre hommage à la tradition que de s’arrimer aux archétypes des jardins japonais et leurs déclinaisons. Ainsi, à l’instar de Mirei Shigemori, de créer des espaces-jardins entre le traditionnel et le moderne, entre le Japon et l’Occident, entre la nature et l’artifice urbain ; et le cas échéant, de transcender vers l’art. Je ne tente pas de transposer ces jardins, ni de créer une œuvre, mais d’apprendre comment traduire les philosophies et les archétypes des jardins japonais vers cet entre-deux que je désire autant créer que contempler. Un entre-deux serein où simplement pondérer ; contempler, fermer les yeux, soupirer puis respirer… Un entre-deux hétérotopique.
Du kare-sansui au tsubo-niwa, du wabi-sabi au ma, j’interroge comment ces archétypes peuvent s’émanciper dans un contexte d’espace-jardin artistique et ce, dans une optique post-minimaliste de la ruine, de l’abandon et de l’érosion, ainsi que de l’impermanence urbaine et écosophique. Chaque intervalle et interstice est ainsi propice à cette métaphore, où ruine, fissure et érosion nous imposent son état d’impermanence et de catharsis, cette humilité où la nature tente de s’infiltrer et émerger en nos seins autant que dans notre environnement urbain.
Durant ce processus de recherche-création, plusieurs essais et itérations ont ainsi été expérimentés.
Dans « l’écueil du vide », la proposition retenue aura été une réinterprétation du kare-sansui à travers une série de sculptures en céramique et bois. Celles-ci ayant comme optique d’entrer en tension entre les rochers et les micropaysages tout en explorant la dérive du vide dans les pièces elles-mêmes selon les angles et les perspectives.
Pour « les lignes de solitude », à travers un prisme post-minimalisme, c’est une installation de type tsubo-niwa qui aura été explorée à travers une déconstruction et reconstruction de ses archétypes, par la céramique et le bois, tout en travaillant l’espace négatif et l’ombre comme élément matériel. L’aspect wabi-sabi, aura été également exploré via la présence et l’agencement d’artefacts urbains en tension avec la présence de semences et chlorophylle, insufflant ainsi une dimension écosophique.
Enfin, via le prototype d’atelier « il n’y a plus de saisons… », il s’agit cette fois d’explorer les avenues des possibles entre la conjonction du kare-sansui et du tsubo-niwa dans une optique post-minimaliste se déclinant autant comme tableau-objet que sculptures installatives. Mais cette fois, c’est dans une incarnation organique de la matière que se manifestent des empreintes dans l’argile selon un rituel processuel, similaire à l’érosion, et laissant un paysage métaphorique desséché et dénué de toute saison. Façonnées en négatif puis moulées en plâtre, éventuellement brisées et fragmentées, ces empreintes hétérotopiques deviennent fragments de territoires et de jardins, souvenir ou prémonition d’un espace spéculatif au sein d’un rhizome de bois en plaine d’Ambrosia ; essence infectée par des coléoptères d’Ambroisie, laissant ainsi trous et décolorations suite aux champignons s’y engouffrant, et analogie aux ressacs du temps.
Encore dans un état spéculatif, considérant être encore dans cet entre-deux de recherche-création, le projet d’haikyo-niwa est constamment, peu à peu, réfléchi et élaboré, tentant de ralentir ce chaos ambiant et intérieur vers une proposition se figeant lentement dans le temps selon les intempéries et les aléas.